mardi 3 juillet 2012
Ben Frost est un con (partie 2) : Ben Frost à la Gaité Lyrique
Voulant poursuivre mon rêve musical éveillé commencé deux jours plus tôt avec Sun Araw (voir Cameron Stallones is God), je me suis lancé telle une Alice au travers de la brume argentée de mon miroir... et je me suis surtout mangé la vitre. En plein dans les gencives.
Après l'euphorie Sun Araw, on va passer au désastre Ben Frost. Le meilleur concert de l'année et dans la même semaine, le plus mauvais. Certes l'équilibre cosmique est rétabli, mais c'est pas de chance pour Ben.
A l'automne dernier, j'ai eu la chance de voir Ben Frost en Islande (lire Onde islandaise 05 : Bouleaux d'argent, Ben Frost au Kaffibarinn) et malgré une salle minuscule et surchargée - le concert se tenait dans un petit café - et malgré le fait que je n'ai même pas pu approcher la salle principale, nous avons assisté à Music For 6 Guitars depuis le hall d'entrée, le concert avait été excellent. Autant dire que j'étais plus qu'impatient de voir Ben dans les conditions acoustiques fabuleuses décrites dans le teaser présent sur le site de la Gaîté : "Le meilleur de la création ambient/noise contemporaine, influençant de nombreux genres musicaux et même le cinéma contemporain, est proposé en live dans des conditions acoustiques idéales. Loin du papier peint sonore, les groupes réunis transcendent un genre parfois réputé difficile d'accès grâce à un amour commun des pouvoirs psycho-acoustiques du son et en particulier des infrabasses, dont ils offrent une expérience unique."
Revenons sur les lieux du drame : samedi 30/06, 20h00 à la Gaité Lyrique. Trois groupes sont présents à l'affiche : Insiden, Roly Porter & Ben Frost. Deux premières parties, c'est déjà deux groupes de trop, mais passons et profitons de la chance du pack 3 pour le prix d'1. Je suis arrivé vers 20h30, histoire de ne pas commencer à tourner en rond en attendant Mr Frost. Raté. Après avoir été dument braceletté à l'entrée, je découvre l'ordre de passage : Insiden 20h30, Roly Porter 21h30 et Ben Frost 22h30. Il va donc falloir être patient. Je me dirige vers le bar, commande une bière et avance vers la salle. "LES BOISSONS SONT INTERDITES A L’INTÉRIEUR DE LA SALLE". Soit. Je vais donc aller dehors faire une petite pause clope afin de boire tranquillement ma bière en face du petit parc baigné de soleil couchant... c'est l'été après tout ! "LES BOISSONS SONT INTERDITES A L’EXTÉRIEUR" m'informe un deuxième panneau. Ça se complique... je me sens un peu pris au piège. Je tente un passage discret et me fait prendre : "Monsieur, pas de boisson à l'extérieur, s'il vous plait". Je négocie avec le type de l'entrée, il n'y a pas grand monde dehors, il accepte de me garder mon verre le temps de prendre un peu l'air. Je me sens trahi : la musique drone à toujours été pour moi synonyme de liberté, sous toutes ses formes, et voilà que des règles étranges apparaissent.
20h51. De retour à l'intérieur, je me rends dans la salle pour voir Insiden. La salle est transformée en salle assise, avec gradins et il y a beaucoup de monde... Je reste quelques instants dans le couloir, je n'accroche pas. Je ressors. Je retombe dans le vortex maléfique :"LES BOISSONS SONT INTERDITES A L’INTÉRIEUR DE LA SALLE" / "LES BOISSONS SONT INTERDITES A L’EXTÉRIEUR"... je m'assieds sur un banc dans la salle de bar quasi déserte et, à travers les grandes fenêtres fermées je devine l'air frais du dehors et observe la fontaine muette.
21h32. Je monte les gradins et m'installe. Roly Porter vient de commencer à jouer. Le son est bien plus fort que pour le précédent concert, mais ça reste supportable. Enfin sur le plan du niveau sonore, parce que sur le plan musical, on dirait le pire du dark ambient 90 : Schloss Tegal versus Lagowski. Et ce n'est pas un compliment. Je ressors. "LES BOISSONS SONT INTERDITES A L’INTÉRIEUR DE LA SALLE" / "LES BOISSONS SONT INTERDITES A L’EXTÉRIEUR". Retour à mon banc. De l'autre coté de la grande vitre, un magnifique petit balcon me nargue. Les derniers rayons du soleil glissent sur le faux marbre rose des colonnes.
Le public revient dans la salle du bar, je regarde mon téléphone : 22h31. Enfin. Il est temps de s'installer dans la salle de concert. Je trouve une place, les sièges sont confortables, on a de la place pour les jambes, rien à dire. A gauche de la scène, je remarque une batterie très complète : 3 caisses claires, dont deux recouvertes par des torchons, 2 bongos et un appareil électronique, une sorte de synthé sampler, sans doute. Une violoncelliste fait quelques essais sonores. C'est très fort, mais j'ai été prévoyant : je passe la main dans ma poche, mes boules quiès sont là.
22h quelque chose, Ben entre en scène, accompagné par une autre personne qui s'installe aux percus. C'est très fort. Ben demande à ce que l'on monte le son, classique. Classique mais de plus en plus déplaisant. Le guitariste de drone sourd. Le choc physique du son. C'est quelque chose que j'ai beaucoup aimé : mon premier choc sonore avec Keiji Haino - un avion au décollage en pleine gueule - j'avais 20 ans. Puis la rencontre avec Sunn O))). Je les ai vu trois fois : en 2005 au Nouveau Casino, en 2006 au Point Ephémère (et ça avait été incroyable de brutalité avec Attila Csihar de MAYHEM au chant) et en 2011 à Mains d'Oeuvres. Mais là, Ben Frost, ça m'a juste emmerdé... ce live dans des conditions acoustiques idéales. J'ai sorti mes boules quiès, à regret. On est alors entré dans les clichés arty farty du drone : Ben planqué derrière son laptop, des micros qui marchent mal et qu'il faut vérifier en direct, des ruptures de niveaux sonores brusques et violentes, entre le crachotement numérique et la percussion tueuse de tympan. Le batteur qui cherche des arythmies et de la complexité mais qui ne produit que des delays mal calés après lesquels on court, que l'on essaye de rattraper ou de masquer. La violoncelliste est montée sur scène, elle a commencé à jouer noyée sous les sonorités électroniques très datée de la batterie. Des gros CRUNCH ultra saturés, comme un micro branché sur une pédale Metal zone sur lequel on frappe avec le plat de la main. Puis soudain un moment de grâce : le batteur a arrêté le massacre en se plongeant sur son sampler, Ben a modulé le niveau sonore. J'ai enlevé mes boule quiès. La matière sonore est riche et complexe. Ça n'a duré que quelques minutes, puis le batteur à refrappé et j'ai replanqué mes tympans. Fin du set. La salle ne bouge pas. Puis incertaine, applaudi à l'invitation de tête de Ben. Je sors. Rien n'est apparu, ni fleurs de métal, ni instants suspendus, ni trouvailles sonores. Juste un son merdique et un concert prétentieux. Pourtant j'ai adoré Music for 6 guitars et sa violence progressive, j'ai adoré la violence minimaliste de la BO de Sleeping Beauty... et By The Throat, Solaris et Theory of Machines sont d'excellents albums...
Entre 2010 et 2011, Rolex a rapproché Eno et Frost et alors ? En dehors de l'opération de marketing qu'en reste t'il ? La même hype creuse que Somewhere de Sofia Coppola ? Les valises Vuittons qui ont écrasé la larme que j'ai failli verser sur la chanson des Kinks dans l'intro de Darjeeling Limited* ? Allez Ben, cesse de mettre le son aussi fort, ça m’impressionne plus personne dans les concerts de musiques expérimentales. C'est aussi inutile que les tirages photo en 2 mètres par 3 dans les galerie d'art. Il faut sortir de l'effet pour se plonger dans la cause... et puis de toute façon, on a déjà du te le dire : l'important ce n'est pas la taille, c'est ce que l'on fait avec.
*après revisionnage de la scène d'intro, je n'ai pas vu clairement les valises vuittons, je crois qu'elles apparaissent plus tard... ce qui n'enlève rien à leur pouvoir de nuisance...
1 commentaire:
Ah ben zut alors... comme quoi on était mieux dans notre petit café Islandais ;)
Bel article en tout cas!
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