mercredi 18 avril 2012

Sire, voici l'autre pays: Earth à la Maroquinerie





Le concert de Earth vient de se terminer, j'attends D. dehors en fumant une cigarette devant la Maroquinerie. Sur la route à quelques mètres de moi, Adrienne Davies, la batteuse se fait aborder par une jeune femme d'une trentaine d'année. Elle la félicite pour son concert. A coté d'elle se trouve un grand type à la veste en tweed et aux grands lunettes à monture noire caractéristique. Jarvis Cocker. C'est difficile à expliquer mais ça me rend incroyablement heureux. Je n'aime pas particulièrement Pulp, mais j'ai du respect pour le parcours musical de Jarvis Cocker. Et ce qui me fait peut être le plus plaisir c'est que la pop rende visite à la lenteur et à la radicalité de Earth... les genres et les styles sont plus que jamais perméables.

Si j'ai commencé sur ce fait qui peut paraître anecdotique, c'est qu'il est difficile de parler des concerts de Earth, de relater ce qui en fait une expérience sensorielle forte. En tâtonnant pour écrire ce compte rendu, j'ouvre les "Écrits retrouvés" d'Ivan Chtcheglov :

"Sire, voici l'autre pays...
Dans cette citation tirée des chevaliers de la Table ronde, c'est le pays "où les aventures recommencent"... c'est la rive d'en face, de l'autre coté du pont. C'est l'au-delà."(1)

Et je me dis que ça colle avec la musique de Earth, avec l'intérêt que porte Carlson à la psychogéographie, à l'occulte :

"Secret Dolmen - 19 Mars 2012
promoter in dublin took us out after midnight to secret(at least to foreigners) dolmen outside of dublin. rocks were full of quartz, feldspar and pyrite, and glittered in the moonlight. we had to cross rails, fences, a stream and then walk a glittering path(more quartz, feldspar, and pyrite in the soil) through the woods. recorded some video and placed mic’s on the stones and in the air near a bush with small white flowers. it was an amazing night, couldn’t sleep afterwords. have not had a chance to examine audio or video. will let you know if anything interesting shows up or doesn’t."(2)

Est ce que certaines choses sont apparues ? En tout cas, à la Maroquinerie, c'est une musique fascinante qui est apparue, comme aux concerts précédents de Earth. Les structures sonores de Earth, se mettent en placent progressivement. Au départ, on écoute, on retrouve les morceaux de l'album, on se dit que c'est un peu pareil. On attend. On regarde la scène, les déplacements des musiciens se font au ralenti. Sur la scène à gauche, il y a Lori Goldston, la violoncelliste qui accompagnait Nirvana sur le Unplugged. Ça aussi, ça m'a fait plaisir : retrouver une partie de Nirvana aux cotés de Dylan Carlson. Carlson était très proche de Cobain (Kurt à joué sur Divine & Bright et sur Extra-Capsular Extraction de Earth) et j'en étais à ces reflexions quand progressivement, ma pensée a fait une pause : la magick de Earth tourne maintenant à plein régime.

Puis c'est revenu : nous sommes sorti de la salle. Après cela qu'est ce qu'il en reste ? Une interrogation. Et si la musique de Earth était une tentative de convoquer, d'étirer, de dilater, de matérialiser pour un temps, l'âme des morceaux de Nirvana : les intro, les solos bruitistes, les outro ? Et si la musique de Earth était lié à l'oubli et à la mémoire de Nirvana ? Et si l'oubli est notre passion dominante (2), la musique de Earth est elle la passion dominante de la musique de Cobain ? Sire, voici l'autre pays...


Lire l'interview de Dylan Carlson sur notre blog et Equilibre instable: Earth au Nouveau Casino, un compte rendu de concert d'avril 2011


(1) Fragments de commentaires du formulaire - Ivan Chtcheglov
(2) extrait du blog de Carlson, drcarlsonalbion
(3) L'oeuvre absente d'Ivan Chtcheglov - Jean Marie Apostolidès et Boris Donné

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