jeudi 19 janvier 2012

Ne jugeons pas un livre à sa couverture #6 : Journal de Brian Eno


Eno est une personne que j'ai souvent sentie proche de moi, de mes réflexions. Même si je ne le connais absolument pas personnellement et que je ne le connaîtrai sans doute jamais plus qu'à travers son livre "Journal" sorti en 1995. Il n'empêche, nous avons beaucoup de préoccupations communes et nos axes de pensée se sont croisés pendant que je lisais son journal : nous étions dans / au bord d'une piscine (moi parce que j'étais en vacance, lui parce qu'il en a une dans sa maison de Londres). Nous aimons tout les deux le matin, et nous nous intéressons aux phénomènes de hasard et de maîtrise ; il cite le Pierre Ménard de Borgès, je venais de finir un travail en rapport direct avec cette nouvelle... ; les Obliques Strategies... etc, etc...


"17 février
A Berlin
Vu partir A. et les filles à Genève. La pauvre Irial déteste les séparations, comme si elle avait peur que ce soit pour toujours. Au studio, un peu de travail supplémentaire sur les textes de Laurie. Ça commence à donner quelque chose."*


Le Journal de Brian Eno a été fondamental pour moi : il m'a apporté plusieurs outils de réflexion que j'utilise toujours quotidiennement, et m'a vraiment intrigué dans son écriture. Le fait que ce soit justement un journal, écrit partiellement avec des notes et des phrases en suspend et le contraste que celà produit quand y apparaissent les noms de personnes qu'Eno a croisé entre 1994 et 1995 ; l’identification et la distance. Il évoque les sessions d'enregistrements de JAMES, de David Bowie pour Outside, de Passengers avec U2 et Pavarotti. Derek Jarman, Jah Wobble, Arto Lindsay, Laurie Anderson, Rem Koolhas... L'aspect mondain en est pourtant évacué : je me souviens de ses prises de positions pendant la guerre de Bosnie, de recettes de cuisines, de vie ordinaire, toutes sortes de choses qui m'ont par la suite conduit aux livres de Bill Drummond : une simplicité évidente.


"21 Aout
De retour à Londres après une matinée brumeuse et douce et une promenade dans la baie avec Irial, où nous avons vu beaucoup de crabes. Laissé A. et les filles sur place en vacances. En taxi pour Bordeaux, mon énergie à l'air bonne. A Gatwick, au bureau. Drew a construit tant de choses fantastiques. Il est vraiment bon."*


Outre le Journal, le livre contient aussi de nombreux essais et réflexions (complets ou en cours) : Les appendices gonflés. Ceux qui me sont restés :

Ambiant Music, nom qu'il a inventé "pour décrire un style musical alors en voie d'émergence".

La pensée axiale, qui "est le nom d'un continuum de possibilités entre deux positions extrêmes : c'est ainsi que l'axe entre le blanc et le noir est une gamme de gris.". Exemple pour une coupe de cheveux, deux positions extrêmes peuvent être : Soigné <--> Hirsute. Entre les deux existe toute une gamme de nuances que l'on réparti sur l'axe menant à ces deux positions. Ça permet de disséquer n'importe quel problème d'apparence inextricable en le subdivisant en sous ensembles simples et plus facilement appréhensibles.

Musique générative : "Discreet Music, dans laquelle deux cycles mélodiques simples, de durées différentes, se répètent séparément, et se voient autorisés à se superposer arbitrairement." & les stratégies obliques (moyen de résoudre des situations de blocage créatif en faisant intervenir le hasard).

Etre un artiste : "Pierre Ménard, auteur du Don Quichotte de Borgès, et ce qu'il appelle une "oeuvre cadre" ou le commentaire suscité devient plus important que l'oeuvre isolée.


"21 octobre
Emmené Anthea et les filles à l'expo Flavin, qui avait aussi fière allure qu'hier. J'ai dit aux filles (pour leur vendre l'idée) que nous allions dans une sorte de palais. [...] Une fois rentrés, nous avons retrouvé David Philips pour déjeuner. Ensuite chez Julian S. pour la fête."*

En savoir plus sur Brian Eno - Journal. Une année aux appendices gonflés


Brian Eno - The big ship (1975)


*extraits choisis de manière aléatoire.

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