jeudi 4 août 2011

Mina & 3.0john #6 : Yerebatan Sarnıcı, la citerne basilique



Le TGV quitte la gare de Lyon, pour Paris. Avance rapide, le vert commence à défiler. Gris / noir à 300 km/h. Les yeux enfoncés dans le crâne, aujourd’hui nous sommes le 30/10/00.

Penser aux scans, aux visages numérisés enregistrés sur disque dur. Repenser aux chats-verres, à leur peau translucide montrant les processus biologiques, montrant la vie, les muscles en mouvement, les flux sanguins et corporels - gris rosé - les os, les griffes. Les îles et les réseaux, une ébauche d’une histoire de sci-fi. Des arbres et des branches reliant des serveurs. Des populations à la recherche de livres, d’objets étranges, des Shivas aux bras innombrables fermant l’accès d’une ville. Des entités vivant sur plusieurs plans physiques, des marées binaires. La nausée de Sartre. Plutôt un étourdissement. Une intrigue à multiples personnages prenant tous le « je » à tour de rôle, embrouillant et définissant le personnage principal.

Continuellement des couples particules anti-particules naissent spontanément pour s’annihiler aussitôt. Ces fluctuations du vide forment une mousse effervescente d’espace-temps, une trame de micro-univers qui contiennent tous les possibles et pourrait disparaître l’instant d’après. Chacun de ses univers de l’au delà posséderait son propre système d’espace temps et peut-être des individus pouvant se déplacer dans 15, 50 ou 100 dimensions.

Dans la citerne basilique d’Istanbul, Yerebatan Sarnıcı, la citerne enfouie sous terre.
Un grand lieu sombre et humide. L’eau tombe, ruissèle à l’intérieur des lumières travaillées cherchant à mettre en valeur un vide, un bâtiment fonctionnel, utilitaire. Deux têtes de méduse recouvertes de mousse verdâtre entretenue par la chaleur des projecteurs.
Des touristes japonais se font prendre en photo devant ces visages renversés soutenant des colonnes. La lumière y est aussi inversée. Mon œil me gratte.

La chambre d’hôtel, le plafond, les minarets, l’appel à la prière, l’adhan, les piliers de la citerne. En inversé (encore une fois) les sons étouffés de la citerne sous la ville répondent aux appels extérieurs s'insinuants par la fenêtre entrebâillée, dans un souffle de vent qui fait légèrement cliqueter le rideau.

Les bruits du moteur du bateau. Lars Von Trier, Element of Crime. Le bruit des messages qui fusent autour de nous, les emails bleus, les chevaux morts, l’eau orange. L’herbe couchée au sol par le vent, le cheval empoisonné qui court sur la plage avant de s’effondrer, probablement endormi : un simulacre de mort tragique. Les rides à la surface de l’eau déformée par les pales de l’hélicoptère.

* * *


TGV Paris – Lyon. Il est presque 20h.
Nous glissons mollement dans un couloir d’ombres. C’est la nuit de Samhain. Les bruits sont étouffés, quelques lumières blanches percent brièvement les grandes glaces noires. Ça fait plusieurs jours qu’un léger mal de tête me poursuit. Deux femmes discutent à voix basse ; le bruit pour faire fuir les fées capricieuses. Un parfum étouffant, écœurant, de petite fille qui n’a pas grandi. Balancement constant de la voiture 18. L’impression d’avoir mon corps traîné en arrière. Le tympan légèrement écrasé, descente dans une position stable et rectiligne, posé sur un siège jaune / bleu / gris. Un assemblage concentrique de bulles-voiles recouvre légèrement mon esprit, colle aux circonvolutions de mon cerveau.

Une curieuse envie de se rapprocher des animaux, des chats translucides.

(FIN)

Boris - You (2011)


pix : djoole

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