dimanche 1 mai 2011

Folks : Jay Mascis au Point Ephemere


Entre 1965 et 1966, Bob Dylan partage ses concerts en deux parties : la première est un set acoustique et la seconde un set électrique. Dès les premiers accords électriques, la réaction est invariable : une partie de la foule sort pendant qu'une autre se met à huer les morceaux de manière continue afin de massacrer le concert des personnes restantes.

"Le public le hue, lui crie de jeter sa guitare électrique" [...]. Il y avait des sifflets et des hurlements et des cris et des acclamations. Le groupe joua un féroce "Maggie's Farm" avec Bloomfield(1) en éclaireur, et un fracassant "Phantom Engineer".

"A l'automne suivant, Helm(2) jeta l'éponge, désespéré par toute la rancoeur que le groupe rencontrait au fil des concerts, confronté à des foules exaspéré par le virage d'un chanteur folk dont vous pouviez toujours comprendre les paroles mais dont le son était devenu si énorme qu'il vous forçait à renoncer à une signification pour en choisir une autre."(3)


En 2011, Jay Mascis sort son premier album acoustique sur Sub Pop. Le 16 avril il était au Point Ephemère pour le jouer live. Arrivé un peu en avance, sur le quai devant la salle, je croise Jay qui balance sa grande silhouette entre ses longs cheveux blancs, les mains dans les poches dans son sweat à capuche noir. Il est seul. Il montera sur scène de la même manière, calmement, un peu renfermé, comme un grand ado qu'on aurait poussé sur scène pour son troisième concert solo. La salle est pleine, il commence à faire chaud. Il s'assoit à sa chaise (une chaise en plastique blanc modèle standard, celles qui font un peu transpirer des fesses) et ajuste son pupitre.

There's a way I feel right now, wish you'd help me, don't know how...
Jay enchaine ses morceaux "'tain hier, c'était trop fort, j'ai croisé sophie, juste à la sortie du monoprix", sa voix fragile et trainante "Ouais, je t'assure, elle a pris 10 kilo." sur une crête qui semble continuellement se briser et se reconstruire "...non et c'est comme Fabrice, il arrive pas à se stabiliser avec quelqu'un".

"I know my soul is battered, and I know my mind is gone, I been waiting for an answer, but the question takes too long, I need guidance on the river, I need everything I've done, so familiar's coming at me, "...avec des oeufs c'est bon aussi" don’t want to blow it all at once, "ah merde, ça te file des gaz ?" come on away from me, is it done.

Et soudain le set de Mascis vire électrique, grosse saturations violentes sur un pont, un solo, mes voisines se taisent, la salle se tait. Au pire moment. Dans les démonstrations techniques, quand Jay alterne les doubles et les triples croches et je-ne-sais-même-pas-ce-que-c'est-mais-wow-y-joue-trop-vite-là-enfin-je-ferme-ma gueule. "Waiting's what we do, Not enough to give enough to you, Wish there was a place we remained since, A place where we could rest "de toute façon c'est à chaque fois pareil, yavait plus que du 40..." and we would know. The blame's on me, I can't wait to be you".

"Pour la communauté folk", disait Bloomfield qui y avait appartenu, "le rock'n'roll était une musique de motards, de défoncé, de danseurs, de gens qui passaient leur temps à se saouler et à s'éclater".

Après avoir quitté un concert sous les huées, et qu'on l'ai renvoyé sur scène au son de "En pénitence - en pénitence !" Dylan empoigna sa vieille Martin et se mit à jouer, racontait Bloomfield en 1977, toujours aussi dégouté que douze an plus tôt : "Dylan aurait dû tout simplement leur faire un doigt"(3)

En 2011, même si certaines choses semblent avoir évoluées, l'emmerdement de la salle des uns par les autres s'étant déplacé en faveur de l'électrique contre l'acoustique, et les motards défoncés s'étant travestis en blondes ordinaires à frange balayée, pour d'autres choses les bons conseils de Bloomfield restent applicables.




PS : hormis ces petits tracas, le concert était excell... "Whoa, c'est dément" ...ent


(1) Guitariste de Dylan
(2) Le batteur de The Band
(3) Greil Marcus "Like a rolling stone"

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