samedi 16 avril 2011

Digression #2 : Zoé & Ronald


La première fois que j'ai rencontré Zoé, c'était à Paris. L'appartement est éclairé en contrejour par la façade blanc saturé de l'immeuble d'en face. Elle est assise sur le grand lit qui occupe une bonne partie de la pièce principale à coté de son Ronald du moment. J'ai apporté une démo de mon quatrième album et nous sommes en train de l'écouter, d'envisager une possible sortie sur le label que Ronald dirige. Nous sommes attentifs.

Un peu avant, je me souviens d'un concert de Ronald en 1999. Il a posé ses boites à rythme sur une table gris foncé, dans le fond de la scène, à l'opposé du public. J'ai trouvé ça bizarre, tout cet espace vide en plein centre. Jusqu'au moment où, au milieu de ce que l'on devine être son dernier morceau, il sort de sa cachette et vient s'assoir par terre au centre de cet espace. Il a l'air détendu, un large sourire sur le visage, penche son buste en arrière, s'appuie sur ses mains et étend et croise ses jambes devant lui. Il balance sa tête de droite à gauche en continuant de sourire, visiblement heureux, pendant que la masse sonore violente et hypnotique continue à évoluer, en mode automatique. Puis à la fin du morceau il se lève, retourne à la table, enclenche une touche et Elvis retentit à travers toute la salle : A little less conversation, a little more action. Puis il sort de scène, pas de rappel.

Ronald faisait aussi du surf, (peut être continue t'il toujours ?) et il a lancé une marque de fringue. La pochette d'un de ses disques montre un surfeur attaquant une grosse vague dans une teinte bleutée.

Je me souviens aussi de lui sortant des bières de ses poches et les cachant sous une voiture enneigée garée à 30 mètres du videur qui vient de nous interdire de rentrer dans la soirée privée ou nous essayons de nous incruster. Une fois le videur passé (on est persévérant), Ronald taxe un cigare à un homme d'une cinquantaine d'année en costume cravate, sans doute un futur patron de C. qui nous a aidé à rentrer en nous faisant promettre de bien nous tenir, et après avoir tiré trois lattes dessus, le plonge dans le verre du type avec une moue de dégoût. En sortant nous avons récupéré nos bières et nous avons fait des glissades dans la neige. De retour chez C. nous avons fini la salade de riz assis par terre à la lueur de la lumière du frigo.

Et comme ça arrive parfois, Zoé et Ronald se sont séparés et je n'ai jamais revu Ronald.

Une dernière fois dans la chambre à Paris, je revois les yeux rieurs de Zoé et je me dis que c'est ces mêmes yeux là qui ont choisi la vidéo de Best Coast - Crazy for you. Et c'est ainsi que nous nous débattons, comme des barques contre le courant, sans cesse repoussés vers le passé.

Celluloid Mata - Hanging oscillations (1998)


La citation de fin est extraite de Gatsby de Francis Scott Fitzgerald traduit par Julie Wolkenstein.

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