Mon cher oncle,
Sur vos recommandations, Marie Pierre, Joséphine & moi sommes allées voir le concert de Hecker, Bill Orcutt & Fennesz au Centre Pompidou et contrairement à ce que vous nous aviez laissé craindre, nous nous sommes follement amusées. Je dois vous le dire, mon oncle, que vous nous aviez dressé un fort vilain portrait du public arty parisien, dépeint par vous sous les traits de gens froids, hautains, voir dédaigneux... ce sont au contraire des gens chaleureux, espiègles et parfois même un peu taquins ! Jugez en par vous même :
Vendredi soir donc. Nous sommes arrivées vers 20h25 au Centre Pompidou, nous nous sommes installées et nous avons patiemment attendu le début du concert. Environ 15 minutes plus tard, les hauts parleurs ont grésillé et le concert a commencé. Rien que de très ordinaire jusque là. Puis les parisiens se sont éveillés : à peine cinq minutes après que Monsieur Hecker ai commencé à nous envoyer de brèves mélodies numériques faisant joyeusement carillonner les tympans, un charmant convive ne sachant sans doute pas à qui exprimer sa joie - la scène était vide dans le dispositif scénique de notre premier musicien - s'est alors brusquement piqué debout et s'est mis à faire forces moulinets avec ses bras en direction de la console de mixage. Le volume sonore de l'ensemble nous empêchant de comprendre distinctement son propos, "IIIIII.... OINS... BZZZZZ..... HIIIIIIII...... M..OINS.... GLOB, GLOB... BLIIIIIIIP... FFFFFFFFF...ORT", nous nous sommes alors tous joint à lui dans une amusante resucée de "c'est à bâbord qu'on gueule, qu'on gueule..." adaptée pour l'occasion en PLUS FORT ! PLUS FORT ! MOINS FORT ! MOINS FORT ! Bref, les gens étaient ravis.
Après cette petite mise en voix, tout le monde s'étant décrispé, de nombreuses personnes se sont alors lancées dans des occupations diverses et variées : qui s'est diverti avec le jeu de votre excellent ami G. consistant à mettre ses doigts dans les oreilles de ses voisins (voir même dans les siennes, ce qui m'apparait comme une particularité locale, mais passons...) ; qui se sont levés pour se dégourdir un peu les jambes, il est vrai que les sièges n'étaient pas des plus confortables...; qui pour rejoindre d'autres connaissances dispersées dans la salle en vue de prendre de leurs nouvelles suite à leur séparation depuis l'entrée dans la salle... Tout se passait donc pour le mieux dans cette grande salle auparavant austère, quand soudain là, mon oncle, tenez vous bien, le clou du spectacle arriva !
Le bruyant convive étant sorti sous les acclamations et les vivas de ses nouveaux amis, et les gens étant disposés librement dans l'espace et dans leurs attitudes respectives, un premier jeune homme descendit sur la scène vide, s'assit, tournant ainsi le dos au public. Sans doute voulait-il amorcer "une chenille" ou une "queue leu-leu" ?... bien que je ne connaisse point cette variante assise.
Surgit alors un deuxième jeune homme qui entreprit de démontrer sa virilité en chahutant les colonnes de haut parleurs, afin d'attirer l'admiration et l'envie des personnes du beau sexe présentes dans la salle... Sa première démonstration s'étant soldée par le basculement et l'éparpillement de la colonne de droite, il s'est ensuite dirigé vers celle de gauche et lui a fait subir le même traitement. La deuxième également effondrée, le son était moins bon mais son but paraissait atteint : sous le charme du bel effronté, une jeune femme est descendue promptement et s'est jetée dans ses bras désarmés, immédiatement suivie par d'autres enthousiastes. Dans les minutes qui suivirent, ce ne fut qu'étreintes et embrassades, les uns tirant sur le col des autres qui serraient à leur tour le cou de notre farceur. Bref une belle rigolade ! Vous auriez du voir ça, mon oncle ! Ah vraiment, comme disait Gilles Ivain : "Les fêtes, ici, cela vaut la peine d’être vu. Je crois que vous n’y perdriez pas votre temps. C’est moins triste que les fêtes de tout le monde !"
Forcément en regard de ces festives préliminaires, les deux autres concerts ont paru plus mornes : après avoir quitté ses tongs et remercié les noceurs par un timide "You scared me, Paris", Monsieur Orcutt nous a livré de savantes improvisations déconstruites à la guitare acoustique et Monsieur Fennesz, quand à lui, a joué de belles saturations de guitare à haut volume, mais là sans provoquer les mêmes chaleureuses interventions du public. Les saturations de guitares sont elles plus tolérées que les suraigus numériques ? Voilà un beau sujet qu'il conviendrait d'approfondir...
Mais j'aperçois Joséphine qui me fait de grands signes sur mon téléphone portable, je dois donc, mon cher oncle, vous abandonner temporairement,
Je vous bise bien fort,
Votre nièce.
PS : je vous joins une photo du concert de Monsieur Fennesz, bizarrement tout le monde semble avoir oublié de filmer celui de Monsieur Hecker... Si vous en apercevez des bribes sur internet, cela m'intéresse.
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