vendredi 13 janvier 2012

Ne jugeons pas un livre à sa couverture #3 : Tarantula de Bob Dylan, L'énergie des esclaves de Leonard Cohen, traductions Dashiell Hedayat


L'une des couvertures est bleue, rehaussée de jaune et l'autre est verte, entrecoupée de bleu. Deux photos noires et blanches au centre : Leonard Cohen pour la première, Bob Dylan pour la deuxième. Quelques dates : Cohen 1972, traduction française 1974. Dylan 1966, traduction française 1972. De l'extérieur, elles sont très semblables, éditions 10/18, dos blanc, traductions Dashiell Hedayat. C'est en partie pour cela que j'ai acheté ces deux petits livres, pour Dashiell... pour Cohen et Dylan aussi, un peu.

L'énergie des esclaves, est un recueil d'anti-poèmes (refus de Cohen d'endosser la stature d'un poète et la place qu'il s'est acquise à ce titre), et j'aime bien comme la plupart d'entre eux commencent par une petite lame de rasoir, en caractère typographique (ou est-ce une enluminure bizarre ?). Voici l'un d'eux (sans la petite lame en ouverture) :

Je vieillirai,
le photographe prendra de l'âge
Je mourrai
le photogaphe entrera au musée
Etudier les nus
ils vieillissent aussi
même les nus
même les délaissés
Le photographe te dit
que la façon de te tenir le con
est vieux jeu (1)

...mais Cohen on y reviendra pour The Favorite Game, son roman autobiographique, l'histoire d'un jeune homme trouvant son identité dans l'écriture ; une langue riche, élégante et crue.

Tarantula, quand à lui, est une nouvelle expérimentale, une "poubelle de mots, de déchets de mots, de lieux communs, de slogans, de cris, d'histoires sans intérêts; Coney Island au lendemain d'un week-end caniculaire"(2). Un monologue intérieur associatif, "d'où émerge ici & là, telles des armatures rouillées ces conjonctifs: "&"(2). Une lecture disruptive, par bribes, "Les sublimes larmes de l'amour de soi"(2). Voilà pour Cohen & Dylan.

Concernant le trait d'union, Dashiell Hedayat est un écrivain à pseudonymes, une devanture aux multiples facettes. De son vrai nom Daniel Théron, il utilise aussi : Jack-Alain Léger, Paul Smaïl, Eve Saint-Roch. Outre Cohen & Dylan, il a traduit Les Aventures de Tom Bombadil de JRR Tolkien. Et pour moi il restera l'auteur-compositeur-interprète d'Obsolete, aidé d'une partie de Gong et de William Burroughs.

Dans le fond de la pièce encombrée, entre cocktails et amis entassés, Bob est installé devant sa machine à écrire, derrière ses lunettes noires, il tape : "dans une volkswagen trouée à balles, un farfadet imberbe & en slip de mafioso - il tend des bons de réductions en flammes & il parle du cimetière de voitures "il y a quatre fours & sept dent de ça" & il ajoute "etcetera" mais sa voix est noyée sous les coups de grâce de mickey mantle"(3)...

A quelque temps de là, dans sa Chrysler aux jantes voilées, Dashiell transpose, écrit lui aussi. Sally vient d'arriver. Et, au moment de monter, Sally lui fait remarquer qu'on voit le ciel à travers la capote déchirée. Une Chrysler rose, ouais.

Dashiell Hedayat - Chrysler (1971)


L'énergie des esclaves par Leonard Cohen
Tarantula par Bob Dylan

En savoir plus sur Dashiell Hedayat, écouter Obsolete sur spotify


(1) L'énergie des esclaves - Leonard Cohen
(2) Portrait de l'artiste en pop star - Dashiell Hedayat
(3) Tarantula - Bob Dylan

Les deux traductions par Dashiell Hedayat ne semblent pas avoir été republiées chez 10/18, il faudra vous les procurer d'occasions. Par exemple chez abebooks : Tarantula et L'énergie des esclaves.


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