samedi 14 septembre 2013

Brillantine & Rhum arrangeant : John Zorn Marathon Feat. Mike Patton à Jazz à la Villette 2013





Une lumière bleue violette se reflète sur la brillantine qui plaque les cheveux de Mike Patton. Il est de dos, les bretelles pendantes sous sa chemise à carreaux noirs et blancs, saute d'un pied à l'autre, avec quelque chose du boxer, rassemblé sur lui même, poussé par la basse de Trevor Dunn. A sa droite la batterie de Joey Baron ; derrière lui l'orgue de John Medeski. Les Moonchild.
Patton accélère, marque, précipite, retient, scande le rythme ; un rythme cadencé, chaloupé, entraînant, langoureux, lent, invoquant, précipité, trépidant ; celui d'une transe violente ; une série de ruptures articulées autour de sa voix sporadiquement filtrée ; des effets allongent ses cris et feulements.

Il est en train de nous faire oublier le début de la troisième partie du marathon John Zorn, qui commençait à virer à l'épreuve d'endurance notamment à cause de la voix un peu trop sucrée de la chanteuse Sofia Rei et de l’irruption d'un sosie vocal de James Blunt. Le début d'une soirée de contraste qui s'ouvre dans l'immense halle de la Villette avec John Zorn nous souhaitant la bonne année selon le calendrier juif, et qui se terminera dans une fête kabyle dans un petit bar non loin de là.

Pour l'instant, Patton tient la salle dans l'équilibre instable de sa voix, dans les brisements de son corps. Sa maîtrise vocale est impressionnante, ses brusques élévations de volume et d'hauteur, avant de redescendre sur de lentes invocations latines d'une voix de basse - SANCTUS - entrecoupés de déraillements suraiguës - TACTACTAC TACATACATAC - installent une brutalité sourde - SANCTUS, SANCTISSIMUS. Une tension permanente. L'instant est palpable : les Moonchild sont de la face sombre de la lune ; un voyage dans la lune filmé dans les rouge et bleus et de Dario Argento. Meurtre et géométrie.

La troisième partie du set sera composée de plusieurs morceaux free jazz du big band de John Zorn. Mais après l'intensité de Patton, aucune violence, même free jazz, ne peux subsister. Comme nous, la cité est nue.

Puis nous nous rhabillerons progressivement, jusqu'à notre soirée kabyle impromptue quelques centaines de mètres plus loin, entre le portrait de Zidane enchâssé dans un oval en plastique doré et celui de Jacques Chirac - grand cru 1977 - dans un cadre plus sobre mais placé en position central sur la petite cheminée derrière le bar. Dans la salle, un synthé, un micro, une petite sono, une assemblée bien serrée, un rhum arrangeant - un rhum vite arrangé avec une goutte de sirop de fraise - et nous étions revenu à la musique préconisée par Bill Drummond pour son projet The17 : celle faite d'un temps, d'un endroit et d'un événement.

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