mardi 3 janvier 2012

Chaos Imminent : Thurston Moore à la Gaité Lyrique


"J'ai fait plus d'un million de dollars cette année - dit-il à Howard Lucraft, son interwiever - mais je ne suis pas musicien du tout. Je ne sais pas jouer de guitare et je n'ai jamais écrit une chanson de ma vie. Pourtant je signe celles que j'interprète et je touche les droits sur toutes les chansons que je chante."
Et il ajoute avec un sourire railleur : "Ça serait vraiment idiot, dans ces conditions, d'étudier la musique...".
Boris Vian rapportant les propos d'Elvis Presley - Décembre 1957.

Un vent froid s'engouffre dans la pièce quand la porte de la salle s'ouvre. Je lève les yeux de mon livre. Personne. Je me lève et ferme la porte, et me rassois dans le gros fauteuil près de la cheminée - c'est la veille de Noël. Je rouvre Chroniques de Jazz, puis m'arrête. Je l'ai mon angle pour faire mon compte rendu du concert de Thurston Moore ! Quinze jours que je tourne autour et là c'est évident ! Elvis est un non musicien, il est une des bases du Rock'n Roll, le r'n'r c'est du bruit, Thurston est son fils et la preuve la porte s'est ouverte pile au même moment ! Shhhh! Vent! ChTac! C'est un signe, la révélation ! Le r'n'r est la brutalité, le bruit. Une irritation, une démangeaison... un peu trop d'apéro.

Une semaine et quelque plus tard, rapprocher Thurston de cette citation d'Elvis c'est plutot problématique : Thurston est un excellent songwriter et je suis tombé amoureux de son intégrité dans 1991, the year punk broke. Il reste l'ironie, le sourire de fin d'Elvis. Comme un tournevis planté dans les cordes d'une guitare. Reste les riffs de Thurston et Vian citant le King.

Le 11/12 Thurston Moore s'était d'ailleurs fait beau pour Paris, un costume cravate très beckien, vite tombé : "it's too hot here... i thought it will be snowing in Paris in december". Le set à cette image, des chansons reprises de l'album, quasi acoustiques puis de longues échappées "Youthienne" - "Je pensais pas que l'on pouvait faire autant de bruit avec une guitare acoustique" me dit P.-  un accord bloqué, hypnotique. Parfois un peu cliché, mais je suis né ici, dans cet accord, il y a déjà pas mal de temps. En lisant Sonic Youth : Chaos imminent d'Alec Foege en 1995 et en écoutant Psychic Heart de Thurston Moore. Je n'ai jamais vu Sonic Youth en concert auparavant, je suis arrivé un peu trop tard, entre Goo ; Dirty ; Experimental Jet Set, Trash and No Star et Made in USA. En tout cas un peu trop tard pour les voir en live. Peur d'être déçu, de voir ses vieilles idoles sur le retour, décadentes mais pas assez, ou trop, ou fourvoyé dans une quête de succès frustré, ou enfermé dans un auto revival permanent... J'ai préféré tourner autour, voir Thurston en costume cravate et Lee Ranaldo dans le soleil sonique couchant.*

...Et ce concert alors ? Ça ressemblait à une étape, un lieu de mi parcours. De l'orchestre de Glenn Branca jusqu'à une harpe sur scène, un violon, un costume cravate, le label Ecstatic Peace!, des BO de films... Thurston dessine un nouveau rock progressiste (sans les nains) et je suis encore un peu trop près de tout cela pour l'appréhender dans sa globalité...

Un dimanche soir à la Gaité Lyrique entre Thurston Moore, 3 abruti bien saouls qui ont gueulé comme des putois en se léchant l'oreille et tombant sur leurs culs et mes origines rock'n'rolliennes : quelques statuettes d'Elvis, de Keith, et un poster de Goo. "Ça serait vraiment idiot, dans ces conditions, d'étudier la musique..."


*Lire aussi Coucher de soleil sonique : Lee Ranaldo à la Fondation Cartier - Mai 2010

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