samedi 22 janvier 2011

30 mètres au dessus de Patti Smith & Philip Glass à la salle pleyel


C'est embarrassant de se retrouver 30 mètres au dessus de Patti Smith. Surtout quand on a rien fait de réellement significatif pour mériter ça. On se retrouve placé en juge, flottant comme une divinité mystérieuse au bord de l'abime. On se sent comme à la proue d'un immense navire fendant la foule amassée à nos pieds. En face de moi, une petite ile noire fait surface. D'abord raisonnablement plane, ma position surélevée fait que la scène se redresse progressivement comme une lame de fond apparaissant sur ma route. Quand je dis que je n'avais rien fait de significatif pour mériter ma place, je veux dire que je l'avais achetée normalement sur internet et que l'on m'avait placé là, au 3e balcon de la salle Pleyel, juste en face des projecteurs, vers le plafond blanc qui plonge jusqu'au grand rideau noir se terminant sur la petite scène ou se trouve Philip Glass au piano, accompagnant Smith dans son hommage à Allen Ginsberg. Au dessus d'eux, une grand photo rétro-projetée du masque mortuaire de William Blake et encore un peu au dessus... moi. Je ne suis pas très à l'aise. Pour quelle raison particulière aurai-je le droit de me trouver dans les hauteurs pendant que Patti Smith, là, tout en bas, fait de si émouvantes lectures des poèmes et des célébrations terrestres de Ginsberg ? Quand Glass joue seul ses études au piano avec sa main gauche qui croise sa droite pour aller frapper une note dans les graves, une basse qui fait chanceler et propulse de boucle en boucle ses délicates mélodies ?

Un peu après, Patti Smith nous ouvrira ses bras dans un "Power to the people" un peu inapproprié dans cette salle du 8e arrondissement de Paris, remplie de personnes trop bien habillées, toute luxuriance dehors, avec Philip Glass les mains croisées dans le dos, un peu mal à l'aise et chantant faux trop près du micro. Il s'en rendra compte et fera un pas en arrière.

Glass & Smith auront de longs applaudissements auxquels ils répondront par un dernier retour sur scène, avec Smith improvisant la description de ses souvenirs et de sa rencontre avec Ginsberg, et Corso et Burroughs. Quand à moi je vais pouvoir quitter mon surplomb et retourner chez moi, les mots de Ginsberg porté par la voix de Patti Smith s'insinuant au fond de mes oreilles.

The warm bodies
shine together
in the darkness,
the hand moves
to the center
of the flesh,
the skin trembles
in happiness
and the soul comes
joyful to the eye--

yes, yes,
that's what
I wanted,
I always wanted,
I always wanted,
to return
to the body
where I was born.

PS : La vidéo n'est pas celle de la lecture d'hier, elle est d'une performance précédente de Glass & Smith.

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