samedi 11 décembre 2010

Moody : Matthew Dear à la maroquinerie


ABANDONNE TOUT ESPOIR, TOI QUI PÉNÈTRES ICI peut-on lire, barbouillé en lettres de sang au flanc du grand immeuble, presque au coin du boulevard Leclerc et de l'avenue du Général de Gaulle, en caractères assez grands pour être lisibles du fond du taxi qui se faufile dans la circulation près de l'arc de la Défense, et à l'instant ou P. remarque l'inscription un bus s'arrête et l'affiche des Misérables collée à son flanc lui bouche la vue mais cela ne semble pas contrarier P., qui a vingt-six ans et travaille chez HSBC, et il promet cinq euros au chauffeur s'il monte le son de la radio, qui passe You Put a Smell on Me de Matthew Dear, et le chauffeur, un noir, obtempère.

Pendant que les premières notes se répandent dans le taxi, P. se rappelle le live de Matthew Dear qu'il a vu hier à la maroquinerie : il y a quelque chose d'indéfinissable et de glacé dans l'attitude de Dear. De glacé mais de chaleureux en même temps, et il n'arrive pas à résoudre ce paradoxe. Comme une main tranchée dans une barquette au rayon viande du supermarché ; tout est correctement emballé mais ça ne parait pas approprié. Quelque chose qu'il a déjà ressenti dans le groove de ESG et dans le funk blanc des années 80 mais qui est ici complètement neuf. Il se rappelle que Dear l'a fixé et lui a balancé un large sourire éclairé par en dessous, par un petit néon blanc, dévoilant ses dents blanches contrastant avec son costume noir dans la salle noire. Cette attitude ci, lui a paru alors complètement appropriée...



NB : Le premier paragraphe est une adaptation de la phrase d'introduction d'American Psycho de Bret Easton Ellis.

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