dimanche 21 novembre 2010

Paris est une fête : Saul Williams, Michel Bulteau, Krzysztof Styczynski & Serge Teyssot-Gay à la librairie Le Divan


C. est devant le rayon "Comment bien élever son enfant" et je suis appuyé contre le rayon "Viandes & Poissons". Serge Teyssot-Gay joue face au rayon BD et Saul Williams vient de commencer sa lecture sous le panneau "Cuisine". Styczynski quand à lui est un peu en retrait et fait les cent pas vers le rayon "Psychanalyse". Bulteau est en retard.

J'ai dû découvrir Michel Bulteau par une préface de Burroughs et dans une interview de Chronic'art, du moins ce sont les bribes qui m'en restent... par contre ce que je sais c'est que j'ai acheté sa biographie d'Allen Ginsberg lors d'un week end à Rennes. C'est un petit livre de 77 pages et je l'ai lu d'une traite, pendant le voyage de retour en train, sans relever la tête. Puis j'ai commandé immédiatement "Mort d'un rebelle" et ça commence comme ça :
"Je revois l'été où nous foncions dans la nuit à bord d'une Chevrolet 1957. L'air était lourd. Les lumières des banlieues éclataient sur le pare-brise comme des gouttes de pluie. Après une course folle et beaucoup de musique, nous nous sommes arrêtés loin du monde. La carrosserie était brûlante. La musique jaillissait et la voix de Gene Vincent montait au ciel. Nous nous coiffions devant le rétroviseur et la jeune fille aux yeux verts qui nous accompagnait était bien téméraire. Elle avait tenu à s'entailler l'avant-bras pour nous montrer que son sang était digne du nôtre."

J'ai continué avec "Hoola Hoops", qui m'a aidé à tenir pendant une période de doute dans ma vie, puis Michel Bulteau a progressivement accédé à une des plus hautes places de mon imaginaire littéraire. C'est aussi une sorte de mot-clé implicite : quand vous entrez dans une librairie que vous ne connaissez pas, commencez par demander si ils ont un Michel Bulteau. Si l'expression trahi une moue dédaigneuse (méconnaissance), vous pouvez ressortir immédiatement, il n'y aura rien ici pour vous. Très pratique pour faire le tri.

Bulteau est aussi un magnifique repère pour découvrir d'autres auteurs ; fiez-vous à ses préfaces et à ses traductions : "Adieu à Berlin" d'Irsherwood (préface) ou "Soleils brilliants de la jeunesse" de Welch et "La fin de la rivière" de Dylan Thomas par exemple (traductions). Il m'a aussi fait découvrir "Venises" de Paul Morand et Le club des longues moustaches...

Mercredi soir, Saul Williams a précédé Bulteau qui a précédé Styczynski qui a précédé la deuxième lecture de Williams qui a précédé le retour et la conclusion de Bulteau. Il a terminé en lisant l'"Ophélie" de Rimbaud, "Le vent baise ses seins et déploie en corolle - Ses grands voiles bercés mollement par les eaux", pendant que Teyssot-Gay improvisait un blues moderne, sale, ambient et plein de réverbérations et de frottement de cordes. "Tu te fondais à lui comme une neige au feu : Tes grandes visions étranglaient ta parole - Et l'Infini terrible effara ton œil bleu!" a lancé Bulteau de sa voix à la diction un peu trop 70's sur ses paupières de jupes à demi closes.

Ça faisait longtemps que je n'avais pas revu C., et c'est toujours bon de se retrouver entre amis.

Saul Williams & Trent Reznor - Dna (2007)

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